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2013-2014 : Kolkata, de la Cité de la joie à la Cité des livres

lundi 17 mars 2014, par Sylvie Terrier

Kolkata… En une année j’y serais allée trois fois et je ne peux m’empêcher de penser avec quelle appréhension je m’y étais rendue la première fois, en 1989, influencée par la lecture du livre de Dominique Lapierre « La cité de la joie » puis bouleversée par la rencontre avec Mère Teresa à l’occasion d’une semaine passée en tant que bénévole dans les orphelinats et maisons d’accueil pour enfants des rues.

Aujourd’hui j’aborde la ville avec un autre regard. Calcutta, renommée Kolkata est une ville comme toutes les grandes villes indiennes, bruyante et fourmillante mais à la personnalité unique qui la rend attachante comme nulle autre. Les trottoirs accueillent une multitude de marchands de rue qui changent tout au long de la journée, en fait la ville change de visage continuellement, elle est à vivre à chaque instant, du matin 5 heures lorsque le marché aux fleurs est à son apogée bien que plongé dans le noir total, au soir 18 heures quand la ville bascule dans les embouteillages, la poussière et un niveau sonore extravagant.

C’est une ville immense qui pourtant se parcourt très bien à pieds, une ville à étage. Les trottoirs sont une ville dans la ville, cuisine de rue le jour puis dortoirs la nuit pour quantité de familles sans domicile. Au dessus des bâches noircies par la fumée s’élèvent de splendides bâtisses coloniales sur lesquelles poussent des arbres. Non entretenues, elles se dégradent irréversiblement usées par le temps, la mousson et le manque total d’entretien.

Prendre ses repères n’est pas difficile et si vous êtes perdu vous trouverez toujours un indien aimable pour vous remettre sur le bon chemin. A Calcutta, pas besoin de guide, les habitants sont une ressource irremplaçable. Je me suis d’ailleurs rendue compte au fil de mes voyages en Inde que la plupart des indiens ne savent pas lire un plan. Alors mieux vaut demander son chemin et suivre le mouvement de la main qui en découle. La bas comprenez par la et l’indication n’est pas très précise, parce que une fois la bas, il suffit de demander à un autre Calcuttan pour avoir la suite de l’itinéraire.

Donc Kolkata again and again. Le plaisir commence à l’aéroport avec la station des prepaid taxis, puis ce taxi noir et jaune impeccablement lustré qui me dépose à mon hôtel fétiche le Brodway. Chambre numéro 25, vaste, garnie d’un mobilier de bois sombre. The Telegraph news glissé sous la porte le matin et le soir, bar à l’ambiance incommensurable.

Mais ce matin, pas le temps de lire le journal, car après le réveil et une douche chaude (touche 9, le garçon frappe déjà à la porte un bac d’eau bouillante à la main, sourire, « good morning mam »), je cède à l’appel de la rue poussée par l’envie de boire un chai parfumé au gingembre, le thé revigorant de l’hiver (18 degrés cependant ce 25 janvier).

Au programme aujourd’hui la découverte de l’Alliance française de Calcutta.

L’ Alliance se répartit sur deux bâtiments : le premier regroupe les services administratifs, la médiathèque, des salles d’activités ; la seconde peinte en rouge brique est dédié aux au cours.

Adresse : “Khaleel Munzil” Bose Rd, Beck Bagan, Ballygunge, Kolkata, West Bengal 700017, Inde
Tel : +91 33 4006 4801

Et “Bimal Villa”, 3 West Range

KOLKATA 700 017, Inde
Tel : + 91 33 4006 4809/ 4810
Website : bengale.afindia.org
Courriel : afdubengale@gmail.com
afdubengale.secretariat@gmail.com
afdubengale.linguistique@gmail.com
site : http://bengale.afindia.org/fr
Heures d’ouverture : du lundi au samedi 9.30h-18.00h

Une fois franchi le portail, Je me trouve face à une grosse maison blanche dont l’entrée n’est pas facile à trouver. Finalement après avoir monté un escalier jusqu’au deuxième étage, je pénètre dans une pièce de couleur rouge garnie de mange debout qui donnent au lieu une petite allure de café des plus accueillant.

Le kaléidoscope des couleurs vives se poursuit avec les autres salles que sont la médiathèque, la salle dédiée aux projections de films, les salles de cours. En fait toutes les salles sont utilisées comme salle de cours, le manque de place semble évident.

Salle 1 : Collection de CD ; DVD ; essai, poésie et théâtre. Une grande table de travail avec des fauteuils rouges, 2 postes avec Internet, le bureau d’accueil du bibliothécaire
Salle 2 la fiction, une TV, le centre de la pièce garni de chaises pour l’enseignement
Salle 3 grande table de travail, salle de cinéma
Salle 4 salle de cours

Monsieur B. le bibliothécaire m’accueille avec un large sourire. Il me fait visiter les lieux, pointe toute de suite le manque de place et raconte : L’Alliance se trouvait au centre ville, sur Park Street, elle était très bien située, dans un bâtiment d’envergure mais elle a brûlé un funeste 17 avril 1999. Heureusement il n’y a pas eu de victimes ni de dommage semble-t-il au niveau des collections.

Depuis l’Alliance et la bibliothèque ont été relogées ici et de toute évidence cet emplacement ne permet pas à la structure de se développer comme il le faudrait. B s’en excuse, il aimerait tant faire quelque chose pour sa bibliothèque. D’ailleurs il me demande tout de suite des conseils pour l’améliorer.

Je regarde les livres, classés selon la classification Dewey et rassemblés par centres d’intérêt, les romans, la petite collection de livres pour la jeunesse, les BD, un début de fonds de DVD. Oui il faudrait commencer par faire un bon désherbage, nettoyer les ouvrages et surtout classer la fiction, la poésie et le théâtre par ordre alphabétique d’auteurs ! Je trouve en effet avec pas mal de difficulté un seul livre de Rabindranàth Tagore, LE poète de Calcutta né en 1861.
B acquiesce, il va faire de son mieux…

L’Alliance accueille en moyenne 300 étudiants par cession d’étude. Le cursus d’étude de la langue française dure entre 3 et 4 ans. 25 enseignants sont chargés de cours. Les jeunes qui étudient le français ne le font pas pour trouver un travail dans le tourisme (comme c’était le cas en 2005 à Hyderabad quand j’avais posé cette même question à l’Alliance). Aujourd’hui, les voyageurs parlent de plus en plus anglais ou se sont renseignés sur Internet. Non l’intérêt principal pour étudier le français est le recherche d’une immigration vers le Canada et le Québec, avec si possible le passage en France pour un stage de plusieurs mois.

La bibliothèque est-elle fréquentée par les ressortissants français ? B le regrette, la bibliothèque est peu utilisée, les Français de Calcutta viennent surtout à l’Alliance pour les séances de cinéma.

Alors sur cette note un peu nostalgique qui pose la question de la pérennité des Alliances françaises et plus généralement de la place de la langue française dans le monde, suivez-moi dans la découverte d’un quartier exceptionnel, la plaque tournante de l’édition Bengali et de l’édition indienne en général, je veux parler du quartier de College Street ou se tient le Boi Bazaar, le marché aux livres.

J’arrive à pied dans ce quartier et rien ne laisse présager que nous entrons dans l’univers de la librairie. Je passe devant des boutiques de plomberie, de matériel sanitaire et puis à l’angle de la rue tout d’un coup les échoppes des libraires commencent. Certaines minuscules, d’autres vastes et fières d’arborer leur longévité « since 1885 ». Les plus récentes se dressent directement sur le les trottoirs, les livres faisant office de murs, le vendeur en son centre telle une statue de Shiva.

C’est l’effervescence, des étudiants pour la plupart à la recherche du dernier livre d’informatique ou du dernier manuel de droit. C’est aussi le lieu des ouvrages d’occasion à des prix hors concurrence. A Boi Bazaar, il y aussi des livres de littérature et des livres pour la jeunesse, tout le monde trouve son compte à condition de lire le bengali, langue majoritaire de ces publications, ce qui pour moi reste un peu frustrant.

Entre le échoppes, sur des charrettes ou des étals contrits, s’affairent des vendeurs de beignets ou de boissons rafraichissantes car en Inde la nourriture est omniprésente. Des universités et écoles sont installées dans ce quartier, le célèbre Presidency College, le Sanskrit College, la Scottish Church College, le Bethune College, le Calcutta Medical College, l’ Indian Institute of Social Welfare and Business Management, le Vidyasagar College, l’Hindu School, la Scottish Church School, la Bethune School, etc… rajoutant si cela était encore nécessaire une pierre à la réputation de Calcutta de ville intellectuelle.

Quant au Coffee House de College Street, il est un lieu mythique de « rendezvous » (en français dans le texte) où les esprits de Tagore, Satyajit Ray, Manna Dey, Amartya Sen, Mrinal Sen planent encore…

Pour terminer je vous propose une petite filmographie et bibliographie pour découvrir Calcutta, en voyageur immobile :

-  Rabindra Tagore : L’Offrande Lyrique ; L’esquif d’or-Anthologie de l’Oeuvre Poétique, Editions Gallimard. ; Sâdhanâ (causeries), Editions Albin Michel (Spiritualités vivantes).
-  Louis Malle : coffret de 3 DVD + livre l’Inde fantôme, + livre l’Inde Fantôme : carnet de voyage Editions Gallimard.
-  Films de Satyajit Ray : la trilogie d’Apu ; Le Salon de musique ; La Déesse. Documentaire sur R.Tagore ; Charulata ; Des jours et des nuits dans la forêt ; Tonnerres lointains ; Les Joueurs d’échecs. La Maison et le monde ; Charulata, romans de Tagore adaptés par S.Ray.
-  Œuvre spirituelle et philosophique de Sri Aurobindo : La synthèse des yogas (3 volumes), Editions Buchet/Chastel ; La vie divine (4 volumes), Albin Michel.
-  Shumona Sinha : Calcutta ; Assommons les pauvres ! Edition de l’Olivier
-  Mahasweta Devi : La Mère du 1084, Actes sud (Babel) ; Indiennes (Babel) ; Le Char de Jagannath et autres nouvelles, Actes sud.
-  Cuisine de rue à Calcutta : mini vidéo sur Youtube
-  Article du monde : Les trésors méconnus de Calcutta, article de Hélène Kafi http://www.lemonde.fr/voyage/article/2006/01/01/les-tresors-meconnus-de-calcutta_1338118_3546.html
-  Blog d’une jeune indienne, pseudonyme Cory Doctorow : http://www.manashree.com
Article intéressant sur College Street (en anglais).