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2014 : Les cafés d’Amsterdam

lundi 2 juin 2014, par Sylvie Terrier

Je range cet article dans la rubrique Troisième lieu car pour moi le café est un élément essentiel du concept. Le café est par nature un lieu de convivialité informel, un lieu de rencontre et d’interactions. Le cœur d’un Troisième lieu ne peut battre sans son café.

Pour imaginer le café du Troisième lieu, je m’inspire des cafés du monde, aussi dans cet article je parlerai de deux cafés, découverts à Amsterdam en ce mois de mai 2014. Le premier est un café de quartier, simple et modeste au nord de Jordan ; l’autre un café du centre ville, plus chic, plus esthétique proche du Dom.

Bien sûr il ne s’agit pas de copier le modèle hollandais et de le « plaquer » en France sans adaptation. Les habitudes culturelles varient d’un pays européen à un autre, il s’agira plutôt de savoir s’en inspirer pour enrichir notre projet.

Les cafés aux Pays-bas et à Amsterdam en particulier sont des lieux conviviaux et chauds, d’allure souvent simple pour ne pas dire vintage. Je remarque une grande habilité à manier l’art de la récupération, le mariage des objets hétéroclites, la juxtaposition des styles. Les éléments récurrents observés sont le bois, le blanc, la lumière dorée.

En fait aller au café n’est pas aller dans un endroit chic mais dans un lieu convivial où l’on va rester, partager un moment, avec des amis ou même seul, puisque au café justement on est jamais seul. Au café on boit, on mange, on discute et on lit.

Ce midi il pleuvait averse quand je suis rentrée, au hasard dans ce café de quartier populaire au nord de Jordan, peu fréquenté par les touristes. J’avais froid et j’étais trempée, j’avais envie de me réchauffer et de boire un bon cappuccino.

A l’extérieur du café, des tables et des chaises en bois étaient disposés sous une large bâche. L’endroit était prêt pour accueillir le beau temps. A gauche de la porte il y avait une sorte de cageot dans lequel les gens laissaient leurs parapluies détrempés, en fait tout ce qu’ils portaient de mouillé, pull, chapeau, poncho. Moi je suis rentrée avec mon parapluie dégoulinant, appliquant bêtement le principe de ne rien laisser dehors par crainte du vol.

Deux femmes se levaient, libérant une petite table contre le mur. Le café était plein, il faisait chaud, un doux murmure de voix me rendit l’endroit tout de suite sympathique. Je m’installais.

J’observais et traçais le plan du café sur mon carnet. Tables carrées peintes en brun chocolat, chaises bistro, larges plateaux sur tréteaux, petit salon avec une table et chaises basses, longue banquette en skai, toute une variété de bois, clair ou sombre, épais ou fin, brut ou peint et aussi des petites tables de lecture métallisées munies de belles lampes design qui diffusaient une lumière ensoleillée.

Le sol, un bon vieux plancher, au plafond des ampoules pour une lumière tamisée, prêtant l’oreille, une légère musique de fond. Sur chaque table, une bougie. Sur les murs une exposition temporaire de photographies en noir et blanc.

Sur ma droite un homme jeune et une femme asiatique d’âge mûr lancés dans une discussion animée, à ma gauche deux familles avec enfants réunies pour le brunch du week end. En face un homme solitaire en compagnie d’un livre, absorbé par sa lecture, un habitué du lieu et des bières brunes. Au centre, une grande tablée de jeunes gens. A droite de l’entrée, une autre tablée mais de lecteurs de journaux du jour. Tout le long de la banquette des couples ou des amis par deux, par quatre. Près de la vitrine sur un petit rebord, quelques plantes vertes, des jeux de sociétés, des livres pour enfants.

Le cappuccino était délicieux, la mousse compacte, le petit gâteau à la farine d’avoine, sans doute bio. Et le prix, plus que correct.

Les serveuses, deux jeunes femmes énergiques venaient vers vous en souriant et prenaient la commande sans attendre. Elles remettaient les tables et chaises à leur place dès les clients sortis. Energie et organisation.

Les compagnons des jeunes femmes étaient à la cuisine, ils passaient de temps en temps, apportant un plat, une charlotte sur la tête.

L’autre café est sans doute plus récent et se trouve dans le quartier du Dom, plus touristique. Il est aussi beaucoup plus grand. La terrasse en contre-bas donne sur le canal, elle est constituée d’un ensemble de bois gris et d’arbres, le mobilier est composé de tables rondes et de chaises en métal latté résistant aux intempéries.

Malheureusement il pleut encore aujourd’hui, ce qui n’empêche pas quelques habitués (des hollandais pour sûr) de s’assoir dehors, tête nue.

Ce café est intéressant car bien que plus chic, son fonctionnent et son ambiance sont semblables au premier : une ambiance décontractée et multi-générationnelle, des serveurs jeunes, parfois inexpérimentés, une carte simple et abordable.

Le mobilier est constitué de tables rondes ou carrées en bois sombre ou clair, de chaises bistrot style Baumann des années 50 de couleur noire. Une grande table collective munie de lampes dorées permet la lecture de journaux laissés en libre service.

Ici le plancher est couleur acajou, l’espace réparti sur deux niveaux, une grande salle et une mezzanine. Du haut on a une vue globale sur l’ensemble du café y compris l’extérieur. C’est ici que je me suis assise, à une grande « stammtisch », la table des habitués, que je partage avec un groupe de copains, la soixantaine bien rebondie.

En face de moi, deux amies aux cheveux blancs discutent tendrement de leurs projets devant l’écran de leur Mac, en bas de jeune couples, une famille d’espagnols un peu snob, une vieille femme étrange.

Je retrouve la permanence chaleureuse du bois, la sobriété des murs blancs, le doré des lumières délicatement posé sur le bourdonnement des voix.

On peut rester des heures dans ces bistrots et personne ne vous force à consommer ni ne vous fait comprendre qu’il faut vous en aller (ah Paris…). Ici vous êtes chez vous, a home away your home, les enfants sont bienvenus, ce sont les plus âgés qui se retrouvent autour des lampes à lire les journaux. Bien sûr le café est équipé de wifi et vous pouvez aussi lire les nouvelles ou consulter vos messages sur votre téléphone portable ou votre tablette.

Et que boit-t-on ? Un verre de vin blanc frais, du Chardonay, que l’on accompagne de chips au maïs, de guacamole et de cubes de gouda. Du salé plutôt que du sucré, nous sommes loin des cafés de Hongrie, cafés salon de thé où les pâtisseries sont reines, l’ambiance feutrée, les sons enveloppés dans l’épaisseur de nappes blanches immaculées.

Pour conclure, que retenir de ces cafés hollandais pour notre Troisième lieu ?
- Que le lieu doit avant tout être convivial, informel et ouvert à toutes les générations,
- Que le mobilier peut être sobre, peu onéreux, que l’ancien a du charme et peut se marier avec bonheur avec des éléments plus design,
- Que le rappel de la nature est important (ce peut être un simple pot de romarin posé sur la table),
- Que la lumière doit être chaude à l’intérieur (lumière dorée), avec une ouverture sur l’extérieur (lumière naturelle),
- Que dans le café on devient vite un (e) habitué(e), que l’on est pas obligé de consommer pour rester longtemps,
- Que le café peut devenir un lieu de rendez-vous,
- Que la lecture est une activité importante,
- Que ce que l’on boit ou mange doit nous faire plaisir,
- Que l’accueil est sympathique et bien organisé
- Que l’on peut s’assoir au dehors, fumer éventuellement une cigarette ou tout simplement profiter du soleil ou de la fraicheur de l’air au printemps…