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2012 : Berlin, Staatsbibliothek zu Berlin

la Bibliothèque d’état de Berlin

dimanche 3 juin 2012, par Sylvie Terrier

Bruno Ganz dans le film « Les ailes du désir » de Wim Wenders, 1987, au premier étage de la bibliothèque.

Depuis que j’ai vu ce film dans les années 90, j’ai envie d’aller à Berlin visiter cette bibliothèque. Il m’en aura fallu des années pour réaliser ce rêve...

En allemand le film s’appelle « Der Himmel über Berlin » : le ciel au dessus de Berlin. Le titre en français est plus sensuel : Les ailes du désir. Revoir ce film aujourd’hui c’est comme regarder un étonnant documentaire sur Berlin à l’époque du mur, un mur qui semble hanter le film, que l’on voit, que l’on ressent, que l’on touche presque parfois. Le film a été tourné deux années avant sa chute.

Lorsque je parcours Berlin aujourd’hui, Est ou Ouest, je n’arrive plus à faire la différence, car Berlin est un, indivisible. Ce partage, symbole de la Guerre froide n’est plus entretenu que par quelques panneaux, des croix, des mémoriaux, des pointillés sur le sol, des cartes postales en noir et blanc. Le temps de la division semble plus être à présent inscrit dans l’histoire, ou ravivé pour un tourisme à venir. Que l’on ne se méprenne pas. Berlin est une ville détruite qui a été reconstruite. La désolation, la mort, la pierre brûlée restent perceptibles. Cela ne se voit plus, cela se ressent.

Je n’étais jamais allée à Belin, ni avant ni après le mur.

Berlin est une ville immense, non par sa densité, car on circule très bien en voiture et encore mieux à vélo, mais dans l’espace libre, des friches encore vacantes ou réaménagées. Remonter à pieds l’avenue entre la porte de Brandebourg et la colonne Siegessäule, l’ange doré aux ailes déployées (qui apparaît également dans une des scènes du film de Wim Wenders) est une expérience éprouvante. Mieux vaut emprunter le métro, qu’il est interdit de payer aux dires des habitués...

Partout les grues ponctuent le paysage urbain, l’ancien et le moderne se marient plus ou moins heureusement, l’esthétique peut être époustouflant comme inexistant, Le Sony Center, la coupole du Deutcher Bundestag sont l’œuvre des les plus grands architectes du moment, d’autres quartiers expriment encore l’abandon et la vétusté. Dans la grisaille et le froid, ou sous un soleil cru de printemps, Berlin est une ville de contrastes. Les tags recouvrent les façades des quartiers chics tel du lierre rampant, labradors et dealers fréquentent le même parc, la bière coûte moins de 2 euros, la vie nocturne y est intense. Dans le quartier turc de Kreutzberg, le donner kebab est meilleur et moins cher qu’à Istanbul...

Hans Charoun a construit la Staatsbibliothek zu Berlin, la bibliothèque d’état de Berlin que l’on peut découvrir au niveau du Kulturforum, l’un des pôles culturels de la ville qui abrite également la Philarmonique, la bibliothèque d’art (Kunstbibliothek) le cabinet des estampes (Kupferstich Kabinett), la nouvelle galerie nationale (Neue nationalgalerie).

Pour rentrer dans la Staatsbibliothek zu Berlin, une carte de membre est obligatoire. Il faut avoir 16 ans pour avoir de droit d’entrée, 18 ans pour emprunter. Je me dirige vers un petit bureau d’accueil à gauche des portiques de contrôle où se trouvent deux bibliothécaires. L’un d’entre eux parle anglais. Une fois les présentations faites et les motifs de ma visite exposés (merci bibliothèques autour du monde), il me rappelle le règlement qui ne permet pas d’entrer dans de cette bibliothèque d’état sans carte de membre. Devant mon air déçu, il précise cependant que des visites exceptionnelles peuvent être organisées. Tout de suite ? Oui... Et qui sera mon guide ? Lui-même ! Et j’ai même l’autorisation de prendre des photos.

Günter, vêtu d’un jean et d’une veste de tweed, me le dit d’emblée : la bibliothèque n’a pas changé depuis le film de Wim Wenders. Il connaît le film et me dit que ma visite lui donne envie de le revoir.

En effet, à peine arrivée dans la salle de lecture je me retrouve projetée dans le film. Par je ne sais quel miracle, le lieu n’a pas changé durant toutes ces années. Pas de projet de modernisation à part la rénovation extérieure et l’agrandissement des magasins. Peut être cette bibliothèque était elle dès sa création avant-gardiste. Ce qui frappe, c’est d’abord son architecture intérieure, mélange d’espaces vides et d’espaces de travail bien séparés des travées de stockage de livres, des usuels et des annuaires. Se déploient ensuite en contre poids de grandes baies voilées, balcons et mezzanines qui s’interpénètrent et invitent le passant à s’élever dans la blancheur des lieux, guidé par une lumière dorée.

Je pense que c’est la lumière qui a exercé sur moi cette émotion première dans le film, car c’est cette même émotion que je ressens aujourd’hui en montant les marches d’escalier. La lumière est partout, elle harmonise lignes et volumes, les pare d’élégance. Au niveau des mezzanines, elle s’égrène en pastilles, plantées tous les 10 cm comme dans un jardin. Sur le plafond supérieur elle se fond dans de gros globes en forme de soucoupes qui donnent à l’ensemble une allure de vaisseau spatial. Sur les rampes d’escalier elle se glisse dans des néons verticaux ou bien tel un feston, elle borde les balcons et les transforment en loges de diva. La bibliothèque prend alors un air de théâtre. Je ne sais pas si Wim Wenders a eu cette même vision de la bibliothèque mais qu’elle soit en noir et blanc comme dans le film ou en couleur comme dans la réalité, la lumière qui fuse de cette bibliothèque exerce un même attrait.

Quant au silence... il est pareillement présent. Les anges semblent être encore là auprès des visiteurs à capter leurs pensées, ou bien posés sur les rambardes. Je les cherche dans leur grand manteau d’hiver. Le doré des lumières conserve leur ombre et leur présence.

La Staatsbibliothek zu Berlin est répartie sur deux sites : Avenue Unter den Linden et Potsdamer Strasse. Au total me dit Günter, presque 11 millions d’ouvrages comptant des incunables, des manuscrits dont une copie d’une bible de Gutenberg. Le plus vieux manuscrit est un codex copte datant du 3eme siècle. La bibliothèque, d’origine prussienne a été fondée en 1661. Le développement a été interrompu par la deuxième guerre mondiale. Les collections ont été déplacées, cachées dans des monastères, mais aussi détruites, dispersées (Pologne, Russie), perdues.

Les collections sont consultables sur le site en ligne StaBiKat, site : www.staatsbibliothek-berlin.de. Recherche alphabétique ou par sujet. Il est possible de faire ses réservations et prolongations en ligne. Les statistiques font état de 1,2 million de transactions par an. La bibliothèque produit ses propres publications et met en place des expositions sur ses fonds.
Le nombre d’ouvrages mis à disposition en prêt est de 20 par usager, la durée de prêt de 30 jours. La prolongation possible 2 fois (service payant).

Inscription au mois : 10€
Inscription annuelle : 25 €

Il n’y au aucun prêt direct. Les magasiniers recherchent votre ouvrage. Ceci prend 3 heures pour la bibliothèque Porsdamer, le délai est plus long pour celle située sur Unter den Linden Stasse, le lendemain si vous commandez votre ouvrage après 14 heures.
Des postes de travail munis d’Internet sont en libre accès et gratuits.
Pour fonctionner, les deux sites emploient près de 800 agents.

Heures d’ouverture :
Unter den Linden, salle de lecture
Adresse : Haus Unter den Linden : 8, 10117 Berlin Mitte
Du lundi au vendredi de 9 à 21 h
Samedi de 9 à 17 h

Potsdamer strasse, salle de lecture
Haus Potsdamer Strasse : 33, 10785 Berlin Mitte
Du lundi au vendredi de 9 à 21 h, arrêt des prêts 19 heures
Samedi de 9 à 19 h, arrêt des prêts 13h

+ Département des journaux : Westhafenstrasse, 1 3353 Berlin Mitte
Ne peuvent être demandés en ligne : certaines collections du département musique ; certains documents du département cartes et périodiques ; manuscrits et livres rares ; usuels ; travaux de fin d’étude, certaines thèse de doctorat défendues avant la guerre ; certaines cotes de micro documents.

Enfin pour les amateurs de littérature jeunesse, sachez que la Staatsbibliothek zu Berlin dispose d’un remarquable fonds de conservation de livres de jeunesse, l’un des plus importantes d’Europe. Fondée en 1951, cette bibliothèque conserve non seulement des livres de littérature allemande, livres anciens comme contemporains, mais aussi une sélection de livres remarquables de jeunesse du monde entier.

Au total, une collection de 200 000 ouvrages, à consulter sur place et non ouvert aux enfants ! Le plus ancien document date de 1537, il s’agit de « De civilitate morumpuerilium libellus » d’Erasmus von Rotterdam’s.
Les collections proposent des abécédaires, des manuels de lecture et d’apprentissage de l’écriture, des contes, des livres sur la religion, des albums, des comptines, des documentaires. On y trouve aussi une des premières éditions du Stuwwelpeter et les célèbres histoires de Max et Moritz. Les collections renferment aussi un trésor de revues et de planches originales.

Ou trouver cette bibliothèque ? Dans le même bâtiment que celui situé à Unter den Linden, deuxième étage.
Ouverture de la salle de lecture et de consultation du lundi au vendredi de 9 à 19 heures.
Tel : +49 (0)30 266 436460
Site : http://kinderbuch.staatsbibliothek.berlin.de

Il est 18 heures quand je franchis à mon tour les portiques de sortie de la bibliothèque.
Je récupère mes affaires à la consigne et cherche du regard Günter pour lui faire un signe d’adieu. Mais Günter a déjà quitté le bureau d’information, remplacé par une jeune fille à lunettes rondes.

Quel temps fait-il dehors ? Malgré l’air frais, de grands pans de ciel bleu se dégagent au dessus du Kulturcenter. C’est le moment de retrouver la Spree, se rincer le regard dans les façades à balcons dorés de Taubenstrasse puis rejoindre les rives. L’endroit est animé et représentatif de la vie sociale berlinoise : jeunes papas avec enfants en pull over colorés, étudiants toutes nationalités, touristes de passage, sexagénaires détendus, chacun trouve sa place et son bonheur. La bière coule à flots, bière trouble servie à la pression ou Berlinerkindel bue à même la bouteille. La nuit peut tomber et le froid aussi, l’été sera bientôt là. La soirée sera encore plus longue au son de l’accordéon roumain, du tango argentin ou des lieds de Schubert égrenés par les jeunes étudiants du conservatoire.

C’est cela Berlin, un endroit bohème et pas kitch, où il fait bon prendre le temps de vivre.