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2005 : Journal de voyage. De Singapour, vers Hong Kong et la Chine

dimanche 23 novembre 2008, par Sylvie Terrier

20 avril
Arrivée à Singapour

Pas le temps de profiter de la ville. Stress pendant trois jours pour trouver des billets d’avion pour Hong Kong, envoyer quatre gros cartons, avancer l’écriture des articles sur biblio.fr. Même si nous sommes arrivés à nous installer devant un fish head le premier soir, les jours suivants ont été une course contre la montre. Et puis le cuisinier a changé, le fish head est moins bon. Voilà quatre mois que nous allons et venons à Singapour. Nous avons une échelle de temps suffisamment grande pour nous apercevoir des changements, du moins dans notre quartier de Little India.

Le restaurant à l’angle de la rue a fermé, l’immeuble rue Perack a grandi de trois étages, David, le serveur a quitté le Blue jazz et les chats ont disparu !
La ville comme la vie se fait et se défait, jamais elle ne s’arrête.

Nous sommes retournés à l’hôtel Dickson, notre pied à terre depuis quatre mois, 45 euros la chambre familiale. Bruno se lance dans d’interminables sauvegardes. Je passe à l’Alliance Française pour un vernissage mais je ne me sens pas vraiment à l’aise parmi tout ce « beau monde ».
Même pas le temps d’aller boire un thé au Moubarak. En vérité pas envie car le thé de Singapour est fait avec du lait concentré et servi dans des choppes, rien à voir avec le tchai indien...

23 avril
C’est le décollage pour Hong Kong. Un bel airbus, des hôtesses chinoises (on voyage avec China Air line) vêtues d’uniformes violets, jupe fendue jusqu’en haut des cuisses, elles ont les cheveux courts et le sourire facile. Nous sommes les seuls passagers européens. On entend parler chinois de tout côté, les gens parlent fort. Certains, comme ces deux vieilles femmes aux cheveux gris et chaussures plates semblent d’origine très modeste.

Hong Kong
24 avril

Hong Kong, by night

Nouvelle
D’abord la chaleur était moins forte qu’à Singapore et l’humidité moins pesante. Ce soir il faisait même frais. Elle n’avait pas ressenti cette impression depuis des mois, elle se dit que c’était extrêmement agréable. L’aéroport était loin de Kaoloon, une heure en taxi. Elle regretta l’ancienne piste d’atterrissage qui leur faisait frôler les habitations et arriver sur une piste minuscule. Des hublots on voyait les gens passer, on reconnaissait déjà le taxi rouge que l’on allait prendre, les murs des immeubles rongés par l’humidité. Le monde s’offrait à vous alors que vous, le regardiez.

Pour quitter l’aéroport, elle avait finalement opté pour le train, en un quart d’heure elle s’était retrouvée en ville, déposée devant l’imposante bâtisse du Holiday Inn. Au bout de la rue, elle retrouva sans peine l’enseigne rouge et jaune du « Golden flower » qui barrait l’avenue Nathan Road, l’épine dorsale de la ville. L’entrée de la Shanking mansions se trouvait en face. Elle traversa l’avenue, monta quelques marches, voilà elle y était. Les loueurs de chambres l’assaillirent en agitant devant son visage leurs cartes de visite. Les bureaux de change et les magasins de sacs s’alignaient les uns derrière les autres, des africains grands et fiers dominaient la foule bigarrée et nerveuse. Les Africains, tiens c’est vrai, elle les avait oubliés... Pourtant de tous les pays d’Asie qu’elle connaissait, il n’y avait qu’à Hong Kong et précisément à Shanking qu’elle en avait rencontré.

Etages pairs et impairs, pour gagner les pensions, il y avait deux ascenseurs, un pour les étages pairs, un autre pour les impairs et au milieu un flic qui obligeait les gens à se mettre en file pour patienter. Les ascenseurs étaient toujours bondés quelle que soit l’heure de la journée ou de la nuit.
La foule était incroyablement cosmopolite. Indiens, chinois, africains, malgaches, pakistanais se cotoyaient. Tous se trouvaient là pour affaire. Il y a avait aussi quelques européens fauchés attirés par le prix bon marché des pensions.
Tout était incroyablement minuscule à Chunking. A commencer par l’ascenseur dans lequel ils s’entassèrent jusqu’à ce qu’une sonnerie retentisse : full !

Les pensions se trouvaient au 7,8 15 et 16ème étage. Elles étaient tenues par des chinois, qui vivaient sur place, dans une chambre de la grandeur d’un placard. Ils arrondissaient leur fin de mois en proposant un service de blanchisserie, de vente de pierres de jade ou de thé vert. Les couloirs étaient finalement ce que l’on trouvait de plus grand à Chunking, clients et propriétaires les annexaient pour étendre du linge ou entreposer des marchandises. Une vieille chinoise aux genoux cassés avait sorti sa planche et repassait des chemises, un thermos de thé vert à portée de main. Une Africaine énorme, le cul haut comme un trottoir préparait dans un faitout de la grandeur d’un chaudron un ragoût de viande et de tubercules de tarot, pas question pour elle de manger chinois. Un gros matou somnolait à l’entrée de la « golden pension ». On voyait bien qu’il ne sortait jamais, il était gras et lymphatique et se laissait caresser même par les enfants.

Spring Guesthouse. Anny la jeune employée, la précéda et ouvrit la porte de fer de la pension. L’endroit était entièrement carrelé, du sol au plafond. Un ancien appartement réaménagé en hôtel. Chaque pièce avait été transformée en chambre, les plus luxueuses disposaient d’un petit cabinet de toilette avec douche. Les moins chères offraient simplement un lit et une étagère pour poser un mini poste de télévision, rien d’autre. Les locataires étaient contraints d’abandonner leurs énormes valises dans le couloir.

Un espace commun composé d’un frigidaire, d’un distributeur d’eau chaude et froide d’une petite table et de deux chaises offrait un minuscule espace de convivialité. L’air du couloir, saturé d’humidité rendait l’endroit oppressant.
La chambre était propre et disposait même d’une fenêtre. Le gros moteur de l’air conditionné ronronnait.

Elle loua la chambre pour trois jours et régla d’avance. Cash.

28 avril
Avant le départ vers la Chine, j’envoie ce matin le neuvième paquet de devoirs de Paul pour le CNED. Je suis soulagée qu’il soit parvenu à tout boucler avant de passer dans « l’Empire du milieu ». Il a pourtant travaillé dans des conditions pas faciles. Pas de table dans la chambre, une chambre pour quatre, deux lits à se partager.
Il a lui même trouvé la solution en s’installant à l’extérieur, dans l’espace commun, entre le frigo, la machine à eau et l’énorme valise de Félicie, une africaine célibataire venue à Hong Kong pour affaires...

Notre chambre à Chunking : 2 lits pour quatre, 9 mètres carré. Nous partageons 2 lits, la douche n’est pas plus grande qu’un placard à balais.

Chunking

Au sujet de la Chine, nous nous étions promis Bruno et moi de ne plus y remettre les pieds après un voyage d’un mois très décevant il y a 10 ans. Mais aujourd’hui, dans ce tour du monde avec les enfants, la tentation est trop grande. Ce serait vraiment dommage de faire l’impasse...
Et puis nous nous disons que peut être la Chine a changé. Nous avons prévu de passer par Shanghai, la ville dont tout le monde parle en ce moment. J’ai cependant un peu d’appréhension.

J’aime bien Hong Kong, je me dis que c’est une ville où l’on pourrait vivre. La vie y est fatigante, comme dans toutes les grandes villes, mais trépidante et libre.

Magasin de peinture chinoise

Retour en Chine donc dix ans plus tard. Et une fois encore, la vie nous prouve qu’il ne faut jamais dire jamais.

Voyage en train, il faut deux heures pour passer de Hong Kong à Canton. Regarde, regarde par la fenêtre....

Je commence un nouveau carnet avec ce départ vers la Chine.
Train silencieux et rapide. Qui se glisse entre les piles d’immeubles et les montagnes couvertes de végétation dense.
Traversée de la banlieue de Hong Kong, grise dans le gris du ciel.
Et les grandes structures brisées des pylônes électriques.
Frontière.
Zone vierge, abandonnée à la nature et à l’eau.
Plantées dans la verdure,
Forêt de tombes dressées.

Le train entre en gare de Shanzen. C’est pour nous l’entrée dans la Chine communiste, le rêve idéologique de mon grand-père qui bien sûr n’a jamais mis les pieds ici, pas plus qu’en Russie ou dans tout autre pays de l’Est.

Il y a cinquante ans, Shanzen était un village. Aujourd’hui c’est une ville immense, alourdie de tours d’habitations. Entassement vertical d’humains alors qu’il y a tant d’espace alentour. Curieusement, ces tours ne semblent pas habitées.
Comment devenir soi dans un univers à ce point uniforme et écrasant ? Cette question sans doute ne se pose pas en Chine.
Envie de fuir. Fuir cette vision du monde.
Les hommes ici ? Des bêtes de somme.

Train de luxe pour gagner la Chine communiste. La place coûte 195 dollars HK et le thé 30. Des hôtesses en uniforme bleu roi sillonnent les allées. Elles proposent durant tout le trajet alcools, cigarettes, timbres, boissons. Un travail de routine, qu’elles effectuent sans un sourire.

Le train monte vers le nord à toute allure. Je prends soudain conscience que ce que l’on voit est la réalité, l’on ne peut plus revenir en arrière. L’avancée est inéluctable.
Du linge sèche sur des tiges de bambous plantées en bordure des fenêtres, dépouilles bleutées de corps absents.
Premier chapeau chinois, sur la tête d’un vieux sur un pont qui regarde le train passer. Dans les champs, des hommes et des femmes vêtus de pantalons repiquent le riz, tous identiques.
Le paysage défile et se charge d’eau. La plaine se déplie, morne et grise. Les tours d’immeubles ont été remplacées par des bâtiments de trois ou quatre étages recouverts de carrelage. La mémoire y glisse, absorbée par le sol. L’aspérité raconte des histoires, les tuiles recourbées d’un toit proposent un abri, un lieu pour discuter. Sous ces façades glacées, rien ne peut se passer. Les ordures jetées par les fenêtres s’accumulent sur la terre détrempée.

Rien envie de respecter. Absence totale de beauté.
Pas envie de photographier.

Chansons de Zoé :
Un arbre vert
Un ciel couvert
Un caillou brun
Sur un chemin
Un HLM
SHENZEN !

29 avril
Canton

On s’est bien amusé à Canton parce que la ville a encore quelques quartiers anciens, un labyrinthe désorganisé de boutiques sombres et bondées qui bien que minuscules servent aussi de maisons d’habitation. Hélas partout les gratte-ciel menacent. La ville moderne dévore les vieux quartiers, agitée par la fièvre de la consommation.

Canton

On a cherché pendant plus de trois heures le marché des animaux vivants, sans succès. Passant de zones très modernes à des quartiers encore traditionnels. Canton n’est pas du tout à l’échelle humaine, impossible de la parcourir à pieds. Nous changeons de zone en hélant un taxi, inquiets qu’il ne nous comprenne pas (ce qui arrive une fois sur deux) et qu’il nous égare encore plus.
Nous nous sommes finalement fait déposer à notre hôtel, épuisés par cette marche hasardeuse. Une petite halte pour déposer les livres et les flash cartes dénichées dans les libraires et nous voici affamés à la recherche d’un bon restaurant.

A peine sortis de l’hôtel, nous apercevons un petit rassemblement à l’angle de la rue, des lumières, une agitation joyeuse. Ils sont arrivés les marchands de rue, leurs bicyclettes chargées de nourriture, aménagées de manière à pouvoir se transformer en restaurant ambulant. La plupart cuisinent au gaz, quelques-uns utilisent encore des braseros remplis de charbon de bois.
Cuisiniers amateurs, ils se sont installé à l’angle de la rue sur un large trottoir, face à une épicerie qui se charge de fournir boissons, tables basses et des tabourets minuscules. Nous mangeons accroupis en crachant les déchets par terre. Les Chinois boivent beaucoup. Les bouteilles de bière vides s’accumulent tout autour des tabourets.

Nous commandons des moules et des huitres grillées au feu de bois chez un premier marchand, une fondue aux légumes chez son voisin, des brochettes de poissons séchés chez le troisième. Tout est délicieux, brûlant, un total plaisir de l’instant accompagné d’une bière fraîche. Les gens parlent fort et boivent plus que de raison. Ce soir vous êtes libres, vous êtes en Chine.

Une Chine qui change et qui nous surprend. Portée par la jeune génération.

Ils ont vingt ans, ils commencent à parler anglais, ils vous regardent avec intérêt, ils vous proposent même de vous aider. Je suis très agréablement surprise, même si nous ne pouvons éviter les quiproquo habituels, le supermarché pour le marché, des nouilles à la place d’une bière, les regards absents, les habituels putong.
Les visages commencent à s’ouvrir et c’est bien.

Cependant, dès que l’on quitte ces quartiers vivants et traditionnels, Canton devient effrayante, une sorte de monstre de béton avec ses tours à façades plates, sans végétation ni âme. Car on ne voit personne dans ces habitations, pas même un vêtement mis à sécher. Au crépuscule, la vue de ce paysage est terrifiante. Suicidaire. Je me dis que l’on ne peut pas vivre dans un tel environnement, dans une telle laideur, dans un tel anéantissement de l’individu. Je frisonne.

Les villes indiennes effraient parce qu’elles grouillent de vie et de saleté et croissent sans aucune organisation. Les villes chinoises sont tout l’inverse, elles sont vides de sève humaine. Les premières donnent la nausée parce qu’elles ne s’arrêtent jamais d’enfler, les secondes paralysent et emprisonnent dans des forteresses de béton.

Magnifique départ de l’hôtel de Canton. Le jeune garçon de l’hôtel saute dans un taxi pour nous le réserver. Il nous aide à placer les bagages et nous sourit. La sueur coule sur son visage et goutte sur sa belle chemise blanche.
« Good luck to you ! », nous dit-il en agitant la main...

Nous achetons des tickets pour Shanghai en bus couchette : 1400 kilomètres que nous devrions parcourir en 18 heures. Le rendez vous est fixé deux heures avant à la gare routière. Pour rejoindre cette gare, nous devons traverser une partie de la ville en minibus. Épuisante course pour rejoindre ce minibus.

Bruno est furieux, il veut nous laisser son sac et aller vérifier son mail, j’insiste pour qu’il reste avec nous. Heureusement ! La marche pour rejoindre le minibus est un enfer, nous montons et redescendons des escaliers, bousculés, étouffés par la foule. J’ai peur de perdre les enfants, mais ils suivent bravement sans dire un mot. Bruno tire violemment sur la poignée de l’un de nos sacs qui se déchire. Notre guide ne ralentit pas, je l’attrape par la veste et m’amarre à lui, le supplie de ralentir. Il me fait signe qu’il ne comprend pas. Facile... Finalement Bruno parvient à lui donner un de nos sacs à tirer. Il ralentit... bien obligé.

Nous voici enfin installés dans le minibus. Nous sommes en sueur et nos mains brûlent. Je me réjouis d’être ainsi à l’abri mais le film d’horreur commence dès le premier kilomètre. Le minibus traverse la banlieue, des centaines, un millier de tours en construction surgissent de tous côtés. Je ferme les yeux, mais la frayeur subsiste derrière mes paupières closes.

Nous avons acheté quatre billets de bus couchette mais lorsque nous cherchons nos places, le bus est déjà plein. Le chauffeur nous dégage bon gré malgré trois places à l’avant et Zoé n’est pas contente se retrouve dans l’allée. Nous sommes vraiment allongés, sur des couchettes d’environ un mètre soixante, pas assez longues mais confortables, munies d’un oreiller et une couette blanche. Il fait froid dans le bus à cause de l’air conditionné (Paul va d’ailleurs s’enrhumer). Les chauffeurs se relaient, car le bus ne s’arrête jamais. Ils ont embarqué quelques passagers clandestins qui leur tiennent compagnie, ils fument et crachent par la fenêtre.
Je regarde la route par une ouverture sur le devant, nous prenons l’autoroute, un ouvrage de conception superbe composé de nombreux tunnels pour traverser cette Chine de l’est montagneuse. La signalisation routière est en chinois et en anglais. On pourrait conduire sans difficulté sur cette autoroute chinoise...

Paysage de collines et de montagnes boisées. Partout du monde, des champs, des cultures de riz, des usines. La couleur grise domine pour les habitations. Beaucoup de tombes aussi s’éparpillent sur les collines basses. A l’aplomb des coteaux, de grandes tombes blanches en arc de cercle dominent la vallée.

Huit heures le lendemain. On a mal dormi, le jour s’est levé tôt.
Le bus ne s’arrête même pas pour le petit déjeuner. On a faim.

Finalement d’un commun accord, nous décidons de ne pas gagner Shanghai directement. Le bus passe par Hangzou, nous avons envie de descende là pour une halte de 24 heures, le temps de visiter cette ville, célèbre pour ses jardins et son lac, si souvent célébrés par les poètes et les peintres.

2 mai
Hangzou

Les Chinois nous demandent de poser avec eux sur les photos. Mais c’est surtout Zoé qui les intéresse. Cette petite fille à la peau claire et aux cheveux blonds qui descendent jusqu’aux fesses attire leur convoitise. Les femmes touchent ses joues, caressent ses cheveux. Elles se tournent vers moi : very beautifull ! Zoé Princesse de Chine qui fait rêver les jeunes filles et attendrit les femmes dont le ventre n’a eu le droit de ne porter qu’un seul enfant. On lit la frustration dans leurs regards quand montrant Paul de la main, elle font le signe deux avec leurs doigts en hochant la tête.
Deux, c’est mieux. On a de la chance.

Cette première semaine de mai est la golden week des Chinois. Une semaine de vacances. Les hôtels sont pleins, les gares bondées, impossible de trouver le moindre billet. Hangzou, ville historique est donc prise d’assaut. Dans le bus pour passer d’un monument à un autre, c’est presque l’émeute. Un garçon se retrouve la jambe coincée, les femmes prennent sa défense et se mettent à hurler de colère.

Nous sommes très déçus par Hangzou, qui ressemble plus à un immense parc d’attraction qu’à la ville des poètes que nous avions imaginée. Je me demande où sont passés les lieux qui devaient permettre contemplation et méditation.

L’accès à la pagode coûte 70 Yann et se fait en ascenseur de verre, la foule s’y amasse, monte et descend d’un seul bloc, de toute façon on ne peut pas s’arrêter, la masse nous pousse, nous ne sommes pas maîtres de notre rythme. Marcher, marcher encore, le long de l’eau sur des chemins balisés, rencontrer un Mac Donald, rejoindre les badauds pour regarder quelques paons dressés à survoler les visiteurs. Les appareils photos crépitent, tout le monde prend le même cliché.

Fatigués. Nous sommes fatigués de marcher, d’être bousculés, de chercher vainement un peu de charme et de poésie dans toute cette laideur. Bienheureux celui qui est passé à Hangzou avant son lifting. Bien heureux celui qui a pu toucher des yeux la patine d’une pagode délavée par le temps, saisir la poésie du vent dans les feuillages, s’asseoir sur un banc dans un paisible jardin de thé.

Ce que l’on a aimé à Angzhou ? Un restaurant, très modeste ouvert sur la rue, découvert au hasard d’une marche. D’un nez à nez plutôt avec une écrevisse égarée sur le trottoir... qui a fini dans notre assiette en compagnie d’autres compagnes. Délicieux plat rouge carmin piqueté de gousses d’ail présenté sur un lit de piments écarlates.
On ne parvient pas à se faire accepter dans les hôtels bon marché pour Chinois parce qu’ils n’ont pas l’autorisation de loger des étrangers. Alors on nous renvoie vers les hôtels cossus, à l’entrée monumentale et aux prix non moins conséquent. Un jeune chinois nous accompagne il « veut nous aider ». Il se heurte lui aussi au non catégorique des hôteliers. Pour finir, après une longue transaction, nous nous retrouvons logés dans la salle de conférence d’un hôtel « autorisé ». Pour 300 yuans, on nous installe quatre lits de camp dans une immense salle garnie de fauteuils et de canapés. On est bien, le thermos d’eau chaude et le matériel de toilette n’ont pas été oubliés. Il ne manque que la douche. La salle de conférence ne dispose que de toilettes communes...

4 mai
Départ en bus pour Shanghai. Deux heures de trajet.
Une vaste plaine, couverte de petits champs et d’habitations. Que la Chine est peuplée !
Des péniches ventrues descendent les canaux jusqu’à la mer.
Les maisons ont changé depuis Canton, elles ont un soupçon d’esthétique avec leurs toits de tuiles vernies et leur véranda en verre coloré posée au sommet. Pour quel usage ? Les effrayantes tours d’habitation rencontrées à Canton ont disparu, ces maisons hautes de deux ou trois étages osent même de la couleur et quelques aspérités, une tuile recourbée, une linteau de porte, un rebord de fenêtre.

Entre Canton et Shanghai, rien que de l’autoroute. Encore du bel ouvrage...

6 mai
Nous restons 8 jours à Shanghai.

Il y a deux Chine à Shanghai, la Shanghai moderne et internationale, celle des marques et de la consommation effrénée et celle d’avant, qui vit repliée dans les quartiers traditionnels, celle que l’on aime mais qui est promue à disparaître sous peu.

Shangai, l’ancien et le nouveau

Dans les ruelles sombres et étroites, les petits enfants jouent sous le regard de leur grand-mère, du linge pend un peu partout, un homme mange, le regard vague, son bol de riz collé aux lèvres. Toute une activité de petits commerces prospère.

Tout se vend à Shanghai, même son corps.
La misère n’est pas loin.

9 mai
C’est mon anniversaire. Les enfants ont préparé de petits cadeaux, on fête mon arrivée au monde dans la rue et Bruno a trouvé un excellent gâteau.
Zoé m’offre un poème, il est écrit sur une feuille de papier origami rose et quand je l’ouvre un cœur rouge se déploie :

Pour Mounie

Maman je t’aime plus que l’infini du ciel
Maman je t’aime plus que la longueur de la terre
Maman je t’aime plus que la profondeur de la mer
Maman je t’aime au delà des mots

Bon anniversaire de Zoé

Cette nuit je rêve. Au réveil mon rêve s’évapore mais je garde ces mots en mémoire : Le carnet de voyage, les bonbons du récit.

A l’hôtel de Shanghai, 14ème étage
11 mai Shanghai
Bruno est excédé. Il a passé une heure et demi à chercher, sans succès, une carte de téléphone. Il est à bout « les Chinois ne font rien pour t’aider, putong ! putong ! ». Putong est un mot magique qu’utilisent les Chinois pour clore toute tentative de communication, putong = comprends pas (et ne veut pas comprendre).

Moi, je me dis que l’on est à Shanghai, l’une des villes les plus modernes de Chine. Je n’ose imaginer la situation dans la campagne où là, vraiment personne ne parle un seul mot d’anglais et ou règne la terreur de perdre la face.
Finalement, on peut dire que les Chinois n’ont pas de personnalité. D’où leur immense talent pour la copie. Ils ne sont pas créatifs. La masse suit et consomme, sans esprit critique. C’est chinois donc c’est bon.

On s’est retrouvé au Coffee Bean, l’un des rares endroits ou Bruno espère disposer d’une connexion Internet. Paul et Zoé dessinent avec leur nouveau matériel de dessin. On a bien sûr craqué, ce quartier n’est qu’une succession de boutiques de matériel d’art chinois, encre, papier, pinceaux... et de librairies.

Le café est totalement artificiel, une chaîne qui ressemble au Strarbuck que l’on pourrait trouver n’importe où en Amérique. Musique jazz avec serveurs en tablier de jardinier et casquette verte pour faire écolo.

Sifflement du percolateur, bonne odeur de café... Il est bon et bien servi.
Le cappuccino coûte 20 yuans soit le prix de 5 soupes dans un restaurant de rue. La clientèle est vite triée : occidentaux et chinois friqués.
- On s’en va dit Bruno, découragé et pâle, je n’arrive pas à me connecter.

Les occidentaux qui vivent à Shanghai (et ils sont de plus en plus nombreux, français, américains, australiens...) ont vite compris que pour éviter que la vie ne devienne un enfer, mieux valait parler et donc apprendre le chinois. Un bon moyen aussi, si l’on est un homme, pour draguer une petite chinoise. Cette dernière se fait un plaisir de guider l’apprenti dans les méandres des caractères et l’incroyable panoplie des sons. Déployant une patience infinie et une pudeur charmante, elle, espère en retour découvrir les charmes de l’homme occidental.

Dans un quartier encore traditionnel, alors que nous nous promenons en famille, des jeunes femmes font clairement comprendre à Bruno qu’elles peuvent aller plus loin, moyennant une compensation financière.

Shanghai : une ville saturée, exclusivement urbaine. Depuis notre arrivée en Chine nous ne sortons pas des villes. De Canton à Hangzhou, de Hangzou à Shanghai et bientôt, de Shanghai à Pékin.

Beijin (Pékin), SEULEMENT 20 millions d’habitants. Les Chinois vont-ils un jour s’arrêter de construire ? Car je doute une fois encore, que tous ces immeubles soient habités, loués ou vendus. Ceux qui quittent la campagne pour la ville n’ont assurément pas les moyens de s’acheter un appartement. Alors ces constructions, un investissement de l’état financé par les banques ? Des initiatives privées ?

12 mai arrivée à Souzhou

13 mai
Gare de Souzhou. Départ pour Pékin (Beijin)

Nouvelle
La couette

Dix neuf heures. Une pluie violente s’était abattue sur la ville dès le début de l’après midi. Il avait fait si beau la veille que les pierres et le ciel l’avaient d’abord rendue tiède, mais au bout de deux heures elle était devenue glacée. Le vent soufflait en rafales, retournait les parapluies et chassait les groupes de touristes.

La gare brillait tel un phare sous la tempête. Comme à l’accoutumée elle était bondée. Chassés par la pluie, les gens s’amassaient sous le préau, ils attendaient, certains depuis plusieurs jours, la gare devenait leur logis, ils avaient le droit de dormir là roulé dans une couverture. Un groupe d’hommes jouait aux cartes sur une valise renversée protégée d’une feuille de papier journal, Un homme serrait sa femme contre lui, enveloppée dans une couverture, on ne voyait que sa tête apeurée, elle devait attendre un enfant, leur unique enfant. Les hommes portaient des costumes sombres et sales, ils avaient le visage plat et les joues rouges, on devinait qu’il s’agissait de paysans, leur visage battu par le vent et le gel racontaient les champs et les morsures de l’hiver, les mains gelées et les heures passées dans la boue des rizières. Certains avaient ôté leurs chaussures et dormaient sur le dos tout habillé le visage face à la lumière. Ils ne ronflaient pas, leurs baluchons leur servaient d’oreillers.

Z 683, c’était le nom de son train. Pour pénétrer dans la gare il fallait montrer son billet, des employés en tenue bleu marine contrôlaient les entrées. Les halls d’attente étaient pleins, plus une seule place disponible sur les sièges. Elle s’installa dans l’allée centrale, son sac à côté d’elle. Elle observait. Ils étaient là à nouveau, les mêmes paysans au visage tanné, dans leurs habits modestes et humides. Perchés comme des poules sur les chaises, en chaussettes, leurs chaussures de mauvaises qualité posées à leurs pieds, un sac de nourriture accroché à leur poignet.

Au signal, ils se levèrent. En masse compacte et disciplinée, ils se dirigèrent vers les quais, leur ticket à la main. La plupart avaient acheté des couchettes dures, les moins chères. Les plus nantis avaient préféré des couchettes soft, confortables.

La jeune hôtesse parlait un peu anglais, elle indiqua à la jeune femme le wagon numéro sept qui correspondait à sa réservation. Pas de bousculade ni de foule sur le quai et encore moins dans le compartiment.

Le compartiment comprenait quatre couchettes munies chacune de deux oreillers et d’une belle couette blanche. Une petite table près de la fenêtre, un gros thermos et une poubelle complétaient l’équipement. Des chaussons pour se mettre à l’aise et ne pas salir la moquette bleue du compartiment étaient offerts à chacun des voyageurs. Tout semblait avoir été prévu. Pour les insomniaques il y avait une télévision, pour les hommes d’affaires des cintres, pour les élégantes un grand miroir plein pied et pour tous, le train glissait, glissait à toute allure, presque sans bruit. Il ne s’arrêtait pas, il filait droit sur Beijing qu’il rejoindrait 11 heures plus tard.

Elle partageait le compartiment avec un jeune couple et un vieux qui d’emblée s’était octroyé la petite table. Il y avait posé un bocal rempli de feuilles de thé vert et avait déjà vidé la moitié du thermos d’eau chaude. Elle se dit qu’à coup sûr il allait ronfler tandis que le jeune couple sur les couchettes supérieures s’endormirait et serait si discret qu’elle aurait l’impression de se trouver seule avec le vieux dont le lit se situait au même niveau que le sien.

Le vieux continuait à se mettre à l’aise, il cala ses deux oreillers contre la vitre, tira la couette jusqu’à à mi jambes. Il baragouina quelques mots d’anglais pour lui indiquer sa place, elle le remercia, elle n’avait pas besoin d’aide.

Le train démarra à 19 heures 28 exactement.
Aussitôt, d’un geste vif, le vieux décrocha un sac en plastique qui pendait tout près de son oreille et sorti un grand bol de pâtes déshydratées. Il ôta le couvercle et remplit le bol d’eau bouillante. Le compartiment se mit à sentir le poireau et les aromates déshydratées. Il aspirait les pâtes avec bruit, le bol collé aux lèvres. Les pâtes étaient toutes frisottées et emmêlées, la nappe blanche se couvrit d’éclaboussures. Entre deux bouchées, il lui faisait signe avec ses baguettes, qu’elle se mette à l’aise, qu’elle mange à son tour ! Mais elle n’avait rien prévu. Enfin si, deux pim pau achetés à la va vite à une marchande de rue, qui s’étaient révélés dès la première bouchée immangeables tant ils étaient bourratifs et aussi fades qu’un plat sans sel. Elle se dit qu’il était temps de gagner le wagon-restaurant.

Le wagon-restaurant était plein à craquer et l’on voyait bien que la plupart des gens étaient des habitués. Ils s’étaient rassemblés par tablées et mangeaient, beaucoup et vite, comme à l’accoutumée. Les petites tables garnies de nappes blanches ne suffisaient plus à contenir tous les plats. Dès que l’un était fini, un second apparaissait. Les bouteilles de bière s’accumulaient, les hommes parlaient fort. L’un d’entre eux avait roulé les jambes de son pantalon jusqu’à mi-cuisse. Il avait de beaux mollets, ronds et totalement imberbes, les chevilles serrées dans de fines chaussettes grises. Il se tenait ainsi, les jambes écartées en bout de table. A coup sûr ils parlaient argent.

Elle commanda un sauté aux haricots avec une portion de riz blanc. Et aussi une bière. Déjà dans la cuisine, l’huile grésillait, le wok ne refroidissait jamais, l’odeur de l’aïl devenait plus insistante. Une place venait de se libérer. Elle s’assit. Dans l’angle opposé un jeune chinois mangeait.
- Vous allez à Beijing ?

Il s’était adressé à elle en anglais, un anglais hésitant mais bien suffisant pour entamer une conversation. Il faisait très attention à ses gestes et encore plus à ce qu’il disait, comme s’il avait peur d’être jugé. Ce n’était pas un chinois de Chine mais de Malaisie. Un oversea comme on les appelait ici. Il lui expliqua sans embarras qu’il travaillait en Chine uniquement pour l’argent et qu’il n’aimait pas ce pays.
- Allez vous rentrer en Malaisie ?

Non. Il rêvait de gagner les Etats Unis (Elle pensa qu’il lui faudrait alors faire de sacrés progrès en Anglais). Dans le fond, elle le trouvait très chinois, il mangeait en faisant beaucoup de bruit et plutôt salement et son objectif était de s’enrichir. Son visage, rond et un peu gras le faisait passer plutôt pour un chinois de Canton. Il portait sur lui toute la panoplie du chinois aisé, une belle montre, des vêtements de marque, un téléphone portable ultra performant. Il vivait à Shangen, la vie y était grise et morose, il regrettait Taiwan, l’île de son adolescence. Il en profita pour préciser qu’il parlait aussi taiwanais et malais bien sûr. Il commanda un plat qu’ils partagèrent, une soupe à la tomate et aux œufs, il avait vu les gens des tables voisines choisir ce plat, une spécialité peut être ? Son verre de bière restait plein, tout comme la conversation qui n’avançait pas. Bloquée, convenue, verrouillée. C’était si difficile en Chine de dépasser le conventionnel. Pas de désir, une communication lisse et banale qui s’arrêta soudain avec le bip de sa montre électronique. 22 heures, il devait partir. Il s’excusa, confus. Lui tendit sa carte de visite, l’invita à lui téléphoner en cas de problème. Puis disparut

La soupe avait refroidi, ils l’avaient à peine touchée, les filaments de blancs d’œuf restaient figés à la surface, prisonniers d’une fine couche de gras.
Elle se retourna. Les hommes étaient toujours là. A présent ils fumaient et le ton avait encore monté. La petite table n’était plus qu’une forêt de bouteilles vides. Ils avaient oublié le reste du monde, que le train filait à 154 kilomètres heures, que la serveuse fatiguée voulait commencer ses comptes, que le cuisinier avait éteint de gaz sous le wok.

Elle se leva et paya.
Le train traversait la campagne, la nuit était sans lumière.
Dans le compartiment régnait un silence absolu. Le vieux dormait, le visage tourné vers elle. Serrée contre sa poitrine, il tenait enlacée, la couette blanche.
On aurait dit un corps de femme.

Il souriait.

Du 13 au 15 mai, Pékin

Grande muraille, Palais d’été, Résidence d’été (photos)

14 mai
Ce que l’on pense de la Chine :
- Il n’y a pas de couleurs
- Tout est gris, les gens ne parlent pas anglais, ils se marrent dès que l’on essaie de leur parler
- Les Chinois détruisent leur passé, on dirait que cela n’a pas d’importance pour eux
- Les gens ne paraissent pas intéressés à communiquer avec nous, on aimerait qu’ils soient plus instruits, qu’ils viennent un peu vers nous
- Ils nous prennent trop pour des bêtes curieuses ; Ils prennent la photo : clic sans dire un mot !
- L’ambiance est triste et déprimante
- On aimerait pas vivre ici
- La Chine ça manque d’âme, de vie, d’authenticité
- Il fait froid
- Il n’y a pas d’oiseaux et si peu d’arbres ou de verdure
- Les Chinois ne pensent qu’à manger et d’ailleurs ils mangent tout le temps
- Ils ne prennent pas d’initiative personnelle
- On est en Chine par ouverture d’esprit
- Si ça ne tenait qu’à moi je partirai tout de suite en Corée (Paul)
- On est tout le temps dans des villes gigantesques et déshumanisantes
- Que dessiner en Chine ?
- On aime bien les couettes blanches et les oreillers doux
- La poste marche parfaitement, on nous aide à préparer le colis, on peut envoyer ce que l’on veut (apparemment)
- Au bout de dix jours, ce n’est plus si difficile de se faire comprendre. On commence à connaître quelques mots et les chinois nous comprennent.
- Les chasse d’eau sont généralement catastrophiques dans les hôtels
- Pékin (Beijing ) c’est très bien
- On est heureux de trouver quelque chose de bien, même s’il s’agit d’une petite chose.
- Quand il y a des chats, ils sont très beaux, très mignons. Dans les Hutong à Pékin, des gens ont voulu nous en donner un. On a pas pu le prendre parce que l’on voyage. Pourtant ils avaient déjà sorti le carton pour le transporter.
- On a aimé les jardins de Souzhou, le resto de canard laqué

Place Tien Amen, Palais impérial, Un Hutong, quartier traditionnel (photos)
Retour vers Shanghai en train de nuit.

16 mai

Un dernier restaurant de rue, une grosse journée de CNED pour rattraper les jours « de vacances » passés à Pékin, qui ont été si remplis qu’il ne restait pas une minute pour étudier. Nous avons beaucoup aimé cette ville.

17 mai
Départ pour la Corée. Incroyable ! nous regrettons de devoir déjà quitter la Chine.